Écouter est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions faire à quelqu’un. D’une certaine façon, c’est lui dire : « Tu es important pour moi, tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là. Je suis disponible à ta présence. Je me sens touché par ce que tu es, parce que tu dis. »
Écouter, c’est commencer par se taire. Avez-vous remarqué combien de tentatives d’échange ou de pseudo-dialogues sont remplis d’expressions du genre : « Ah oui, c’est comme moi ! » ou « Moi aussi, j’ai eu affaire à telle situation. » Cette pseudo-compréhension, qui s’approprie le dit de l’autre pour mieux le phagocyter, n’est qu’une occasion pour parler de soi, pour s’emparer du discours de l’autre et développer le sien.
Écouter, c’est commencer par arrêter son petit cinéma intérieur, son monologue portatif, pour se laisser rejoindre et peut-être transformer par l’autre. C’est accepter qu’autrui entre dans notre intimité et mette en veilleuse nos pensées, nos ressentis, comme il entrerait dans notre maison et s’y installerait un instant, s’asseyant dans notre fauteuil et prenant ses aises, en sollicitant notre attention pour lui seul.
Écouter, c’est accepter. C’est laisser tomber ce qui nous occupe pour donner son temps à l’autre. L’écoute ouverte est semblable à une promenade avec un ami. On marche à son pas, proche mais sans gêner, on se laisse conduire par lui, on s’arrête à sa discrétion, on repart avec lui, on est là pour lui. Cela s’appelle cheminer en compagnie.
Écouter, ce n’est pas chercher à répondre à celui qui se cherche, se dit ou résonne devant nous. Il convient surtout de lui permettre de s’entendre, de se reconnaître, de se retrouver dans les errances ou le labyrinthe de ses pensées. C’est refuser de penser à sa place, de donner des conseils, et même de vouloir comprendre. C’est simplement entendre.
Écouter, c’est accueillir l’autre, le reconnaître tel qu’il se définit, sans se substituer à lui pour lui dire ce qu’il doit être. Bien sûr, il y a différents niveaux d’écoute. L’écoute active sera celle qui permet à celui qui parle d’entendre ce qu’il dit. L’écoute miroir, la plus rare et donc la plus recherchée, sera inconditionnelle ; elle permet de vider les trop-pleins d’amertume et de regrets. L’écoute résonance sera celle qui amplifie le dit de l’autre en restant ouvert et positif à toutes les idées, à tous les sujets, à toutes les expériences, à toutes les solutions, sans interpréter, sans juger, laissant à celui qui s’exprime le temps et l’espace de trouver sa voie.
Écouter, ce n’est pas vouloir que quelqu’un soit comme ceci ou comme cela, c’est apprendre à se positionner silencieusement dans ce léger décalage entre ce qui est dit et ce qui est entendu.
Être attentif à quelqu’un qui souffre, ce n’est pas donner une solution ou une explication à sa souffrance, c’est lui permettre de la dire et de trouver lui-même son chemin pour s’en libérer ou continuer à la porter.
Apprendre à écouter dans cette liberté d’être, c’est l’exercice le plus utile que nous puissions faire pour nous libérer de nos détresses, en retrouvant la part d’universel dans l’unicité de chacun.
Écouter, c’est donner à l’autre ce que l’on ne nous a peut-être jamais donné : de l’attention, du temps, une présence bienveillante. C’est en apprenant à écouter les autres que nous arrivons à nous écouter nous-mêmes, dans notre corps, dans nos émotions. C’est le chemin pour apprendre à écouter la terre et la vie ardente. C’est devenir un poète de l’« humanitude », qui sent le cœur et voit l’âme des choses. « A celui qui sait écouter est donné de ne plus vivre à la surface : il communie à la vibration intérieure du vivant. ».
Article original – Psychologies Magazine
Écouter : l’art de se mettre en veilleuse
Jacques Salomé – avril 2001
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